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Chapitre 3. Cinq minutes pour troubler une vie

Trois mois s’étaient écoulés depuis ma rupture avec Joseph. Trois mois sans attachement, sans promesses, sans attentes. Mon cœur ne battait pour personne, et c’était mieux ainsi. Après tant de désillusions, je m’étais juré de ne plus me laisser emporter par des espoirs précipités. L’amour, pour le moment, ne faisait pas partie de mes priorités.

Je m’étais plongée dans mon travail, trouvant un certain réconfort dans la routine des chiffres et des formules mathématiques qui ne trahissaient jamais. Mes journées se ressemblaient : le matin, je partais au bureau, et le soir, je rentrais chez moi, souvent fatiguée mais satisfaite de mes efforts. Je ne cherchais rien d’autre que cette stabilité.

Ce soir-là, le soleil commençait à décliner alors que je marchais le long de la route principale, mon sac à l’épaule. Une légère brise soufflait, portant avec elle le bruit des klaxons, des vendeurs ambulants et des conversations lointaines. Mon esprit était ailleurs, absorbé par les calculs que j’avais passés la journée à résoudre, quand soudain, une silhouette surgit devant moi, me forçant à m’arrêter.

— Mademoiselle, excusez-moi, mais je ne pouvais pas vous laisser passer sans vous adresser la parole.

Je relevai les yeux, surprise. Un homme se tenait devant moi, le regard fixe, comme s’il venait de prendre une décision irrévocable. Il avait une allure soignée, une chemise parfaitement repassée, un pantalon bien ajusté, et une montre qui brillait discrètement à son poignet. Il respirait la confiance, un charisme naturel émanait de lui.

Je fronçai légèrement les sourcils, méfiante.

— Oui ? Que voulez-vous ?

Il sourit légèrement, comme amusé par ma réaction prudente.

— Je m’appelle René. Et vous êtes… Clémentine, c’est bien cela ?

Je tressaillis légèrement. Comment connaissait-il mon nom ?

— Oui, mais… nous nous sommes déjà rencontrés ?

— Non, pas encore. Mais je vous ai déjà vue. Plusieurs fois, en fait.

Son regard brillait d’une lueur qui me mettait mal à l’aise autant qu’elle m’intriguait. Je ne savais pas comment réagir.

— Où ça ? demandai-je, sceptique.

— Pas très loin d’ici. Vous passez souvent par cette rue en rentrant du travail, n’est-ce pas ?

Je me raidis légèrement. Un inconnu qui savait mes habitudes… Cela aurait dû me paraître étrange, peut-être même inquiétant. Mais René ne ressemblait pas à ces hommes insistants qui abordaient les femmes avec des phrases toutes faites. Il avait quelque chose de posé, une manière de parler qui n’était ni trop pressante ni trop légère.

— Et pourquoi vouloir me parler aujourd’hui ?

Il passa une main dans ses cheveux, un geste qui semblait trahir une certaine nervosité.

— Parce que cela fait un moment que j’hésite. Et aujourd’hui, je me suis dit que si je ne le faisais pas, je risquais de le regretter.

Je haussai un sourcil, toujours méfiante.

— Regretter quoi ?

— De ne pas vous avoir connue.

Ses mots tombèrent avec une sincérité désarmante. Il ne souriait plus, ne cherchait pas à séduire avec des phrases embellies. Il me regardait simplement, attendant ma réaction.

Je pris une inspiration.

— Vous savez, je ne suis pas vraiment d’humeur à discuter avec un inconnu en pleine rue…

Il ne se démonta pas.

— Je comprends. Et je ne vous retiendrai pas longtemps. Juste quelques minutes, le temps que vous me donniez une chance.

Je poussai un léger soupir. Mon instinct me criait de continuer mon chemin, de ne pas me laisser distraire. Mais quelque chose dans son regard me retenait.

— Très bien, René. Vous avez cinq minutes.

Son sourire s’élargit, comme s’il venait de remporter une petite victoire.

— Parfait. Alors dites-moi, Clémentine… qu’est-ce qu’une femme comme vous fait encore seule ?

Je roulai des yeux.

— Ah, celle-là, je l’ai déjà entendue mille fois.

Il éclata de rire.

— Je m’en doute ! Mais je suis sérieux. Vous êtes belle, intelligente, et je suis certain que bien des hommes ont tenté leur chance.

— C’est vrai, mais je n’ai pas encore trouvé celui qui me correspond.

Il pencha légèrement la tête, comme s’il analysait mes paroles.

— Et qu’est-ce qu’il faudrait pour être celui-là ?

Je le regardai un instant, hésitant à répondre. Pourquoi étais-je encore là, à lui parler ? Peut-être parce que, contrairement aux autres, il ne m’intimidait pas. Il ne me mettait pas de pression. Il était juste… curieux.

— Il faudrait qu’il me respecte. Qu’il comprenne que l’amour, pour moi, ne se résume pas à une simple attirance physique.

Son regard s’assombrit légèrement, mais il ne sembla pas surpris.

— J’aime ça. Une femme avec des principes, c’est rare.

Je haussai un sourcil.

— Vous dites ça maintenant, mais beaucoup l’ont dit avant vous… avant de se lasser.

Il hocha la tête, comme s’il comprenait ce que je voulais dire.

— Alors laissez-moi vous prouver que je suis différent.

Je laissai échapper un léger rire.

— Tous disent ça aussi.

— Oui, mais moi, je vais le faire.

Il me fixa un instant, puis regarda sa montre.

— Mes cinq minutes sont écoulées. Je vais vous laisser partir, comme promis.

Je restai silencieuse, légèrement déconcertée.

— Mais avant ça, puis-je espérer vous revoir ?

Je le dévisageai un moment. Devais-je prendre ce risque ? Après tout, ce n’était qu’une conversation.

— Peut-être.

Son sourire s’élargit.

— J’aime ce « peut-être ».

Puis il s’inclina légèrement, comme un gentleman d’une autre époque.

— Bonne soirée, Clémentine.

Et sur ces mots, il s’éloigna, me laissant debout au milieu du trottoir, troublée par cette rencontre inattendue.

Je repris mon chemin, mon pas plus lent qu’à l’accoutumée, le regard fixé droit devant moi, mais l’esprit ailleurs. D’habitude, après une longue journée de travail, je ne pensais qu’à rentrer chez moi, à m’affaler sur mon lit avec un livre ou à écouter de la musique pour oublier le bruit du monde. Mais cette fois, mes pensées étaient captives d’un seul nom : René.

Qui était-il vraiment ? Pourquoi cette rencontre m’avait-elle autant troublée ?

Il n’avait rien fait d’extraordinaire, et pourtant, il avait semé quelque chose en moi, une graine d’interrogation qui refusait de s’éteindre. Son regard, son assurance mesurée, cette façon de ne pas insister mais d’être pourtant convaincant… J’avais rencontré des hommes qui voulaient me conquérir, mais René ne ressemblait pas aux autres. Il n’avait ni précipité ses mots, ni cherché à m’impressionner. Il s’était simplement présenté, avec une sincérité qui m’avait prise de court.

En arrivant chez moi, je déposai mon sac sur la chaise du salon et me laissai tomber sur le canapé, le regard perdu au plafond. J’aurais aimé me dire que ce n’était qu’un incident anodin, une rencontre parmi tant d’autres, mais quelque chose en moi savait que ce n’était pas le cas.

Je repassai la scène dans ma tête, essayant d’analyser chaque détail.

"Qu’est-ce qu’une femme comme vous fait encore seule ?"

Cette question, tant de fois posée, sonnait pourtant différemment dans sa bouche. Non pas comme une flatterie, mais comme une véritable curiosité. Comme s’il cherchait à comprendre, et non à juger.

"Alors laissez-moi vous prouver que je suis différent."

Ces mots résonnaient encore dans mon esprit. J’avais entendu cette promesse auparavant, mais jamais avec autant de calme et de détermination. Fallait-il lui donner une chance ?

Je me levai brusquement et me dirigeai vers la cuisine pour me servir un verre d’eau. Peut-être était-ce la fatigue qui me rendait aussi vulnérable à cette rencontre. Après tout, ce n’était qu’un échange de quelques minutes en pleine rue. Rien qui ne devrait bouleverser mon monde.

Et pourtant…

Je jetai un regard vers mon téléphone posé sur la table. Devrais-je lui laisser une ouverture s’il cherchait à me revoir ? Mais il n’avait même pas demandé mon numéro. Il n’avait rien exigé, rien forcé. Ce qui rendait la situation encore plus étrange.

Je soupirai et décidai d’allumer la radio pour me distraire. Mais même la musique ne parvint pas à effacer ce qui s’était inscrit dans mon esprit.

Le lendemain matin, en me réveillant, je crus que la nuit aurait suffi à calmer mes pensées. Mais en sortant de chez moi pour aller au travail, mon cœur eut un léger sursaut d’anticipation. Une part de moi espérait-elle le revoir sur cette même route ?

Je marchai d’un pas plus lent, jetant des regards discrets autour de moi. René serait-il là, à m’attendre quelque part ? Mais la rue était ordinaire, comme d’habitude, peuplée des mêmes passants, des mêmes bruits de klaxons et de conversations indistinctes.

Un léger sentiment de déception s’installa en moi. Peut-être que je m’étais trop attardée sur une simple coïncidence. Peut-être que je ne le reverrais jamais.

Mais quelque chose me disait que cette histoire ne faisait que commencer.

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